Le phénomène "Tcharmil" : psychose ou vrai danger ?

Le mot tcharmil a fait la une des titres de presse nationaux durant ces deux dernières semaines. Derrière ce mot se cache un phénoméne inquiétant mélant insécurité et culte du bling-bling

Tout le monde en a parlé et tout le monde s’est passionné pour les adeptes du tcharmil, ces jeunes qui diffusent des images à caractère violent à travers Facebook. Retour sur un phénomène qui a marqué l’actualité marocaine du mois de mars.

Le mcharmel, un style

Credit photo: DR

Le mot tcharmil se rapproche de tcharmila, une marinade où sont mélangées viandes rouges et légumes généralement effectuée par un boucher. Une profession à laquelle les mcharmlines (adeptes du tcharmil) ont emprunté le principal  accessoire : le couteau aiguisé. Ce dernier fait partie intégrante de leur look et inspire la terreur chez leurs supposées victimes.

Autre signe distinctif du mcharmel (singulier de mcharmline), l’envie d’exhiber, sur les réseaux sociaux, le butin arraché  à ses victimes: montres, bracelets, baskets ou colliers. Dans les clichés pris par les mcharmlines, on retrouve parfois une référence (voulue ou inconsciente) à Tony Montana, héros de Scarface, lorsque ces jeunes posent avec du cannabis et étalent leur richesse en exhibant des billets bleus.  

Un mouvement associé à la montée de la criminalité casablancaise

Certains groupes ou pages Facebook dédiés au tcharmil sont actifs depuis l’an dernier mais le « mouvement » n’a été médiatisé qu’en mars dernier. Celui-ci  a profité d’opérations coup de poing menées par des criminels à Casablanca, comme le braquage d’un salon de coiffure à Maarif ou l’agression d’un joueur du Wydad. Résultat le sentiment d’insécurité s’accrut à vitesse grand V.

Une psychose confirmée par les chiffres récemment communiqués par la DGSN concernant la criminalité sur le territoire marocain durant le premier trimestre de l’année contribuent, eux aussi, à la popularité du mouvement. Ceux-ci révèlent que plus de 100 000 personnes ont été arrêtées ou soumises à la procédure de garde à vue. Parmi elles, 313 l’ont été pour violences, 124 pour vol sous la menace et 114 pour détention illégale d’armes blanches. 

Le tcharmil comme technique de drague

La DGSN a réagi au phénomène en arrêtant six individus liés au mouvement. Une annonce qui coïncide avec le séjour du roi dans la capitale économique. Selon Abdellah Said, directeur du service de la police judiciaire de Casablanca, qui s’exprimait au micro de 2M,  les personnes interpellées « utilisaient Photoshop et ne faisaient pas partie des bandes criminelles organisées ». Le responsable sécuritaire a également indiqué  que « le but de cette campagne (ndlr : tcharmil) était de nuire à l’ordre publique ». Mais l’un des interpellés a assuré que son but « était d’impressionner les filles » et ajoute « qu’un administrateur d’une page Facebook a volé les photos qu’il avait publié et les a dévoilée à l’opinion publique. ».

Crédit photo: DR

L’opinion publique s’organise sur les réseaux sociaux

Pour certains média, le tcharmil est un phénomène destiné à servir l’agenda de personnes souhaitant «  perturber le développement de la ville de Casablanca ». Le mouvement aurait commencé à se faire connaitre après «  une réunion entre le directeur général de la sécurité nationale avec tous les responsables sécuritaires de la ville ». Néanmoins, le tcharmil s’étend au-delà de la ville blanche avec des interpellations liées au mouvement qui ont eu lieu, le jeudi 3 avril, à Tiznit.

Côté citoyens, la page Facebook Marche Contre L’Insécurité Ambiante a Casa a été créée et rassemble plus de 19 000 personnes. Aucune date n’a encore été décidée pour la marche. Dans une interview accordée à Medias24, la créatrice de la page a indiqué que « le déclencheur  (ndlr : de la création de la page) a été le meurtre d’une femme de 70 ans » dans la ville blanche. Elle dénonce également la normalisation des faits divers. 

Du côté des politiques la réaction est plus timide. La députée du Parti Authenticité et Modernité (PAM), Khadija Rouissi, aurait interpellé le ministre de l’intérieur, Mohamed Hassad, en lui demandant « d’intervenir  en urgence afin de protéger les citoyens ». Le ministre ne s’est toujours pas exprimé concernant le phénomène.

 

Rejoignez la communauté TelQuel
Vous devez être enregistré pour commenter. Si vous avez un compte, identifiez-vous

Si vous n'avez pas de compte, cliquez ici pour le créer